Module semi-simple

Camille Jordan, auteur du théorème clé de la théorie

En mathématiques et plus précisément en algèbre non commutative, un module sur un anneau est dit semi-simple ou complètement réductible s'il est somme directe de sous-modules simples ou, ce qui est équivalent, si chacun de ses sous-modules possède un supplémentaire.

Les propriétés des modules semi-simples sont utilisées en algèbre linéaire pour l'analyse des endomorphismes, dans le cadre des anneaux semi-simples et pour la théorie des représentations des groupes.

Définitions

Soient A un anneau unitaire (non nécessairement commutatif) et M un A-module.

  • M est dit simple s'il est non nul et sans autres sous-modules que {0} et M.
  • Un sous-module de M est dit facteur direct s'il admet un sous-module supplémentaire.
  • M est dit semi-simple si tout sous-module de M est facteur direct.

Exemples

Espaces vectoriels

Tout espace vectoriel est un module semi-simple (y compris un espace vectoriel sur un corps gauche), puisque tout sous-espace vectoriel possède un sous-espace supplémentaire – c'est une conséquence du théorème de la base incomplète.

Anneaux semi-simples

Article détaillé : Anneau semi-simple.

Un anneau A est dit semi-simple s'il est semi-simple en tant que A-module. Dans ce cas, tous les A-modules seront semi-simples. Deux exemples historiques qui ont précédé la définition des modules semi-simples sont :

Propriétés

Deux lemmes

  • Pour tout module semi-simple M, les sous-modules de M et ses modules quotients sont semi-simples[1].

En effet, soit S un sous-module de M. Soit P un sous-module de S, il admet un supplémentaire dans M ; l'intersection de ce supplémentaire et de S est un supplémentaire de P dans S, donc S est semi-simple. Soit maintenant M/N un quotient de M, il est isomorphe à un supplémentaire S de N, donc il est semi-simple d'après ce qui précède.

  • Tout module semi-simple non nul contient un sous-module simple.

En effet, soient S un module semi-simple non nul et (par le lemme de Zorn) T un sous-module propre maximal. Soit P un supplémentaire de T. Ce sous-module P est simple, par maximalité de T.

Caractérisations équivalentes

Le théorème suivant fournit une équivalence entre diverses caractérisations des modules semi-simples.

Théorème — Les propriétés suivantes sont équivalentes[2] :

  1. M est somme de sous-modules simples ;
  2. M est somme directe de modules simples ;
  3. M est semi-simple.
Démonstration
  • 1⇒2 et même plus précisément : si M est somme d'une famille de modules simples alors il est somme directe d'une sous-famille. En effet, soient (Mi)i∊I une telle famille et (par le lemme de Zorn) J une partie maximale de I telle que la somme des Mi pour i∊J, que nous noterons N, soit directe. Pour tout i∉J, Mi∩N est non nul (par maximalité de J), donc égal à Mi (par simplicité de ce dernier). Ainsi, tous les Mi sont inclus dans N, donc M aussi, ce qui conclut.
  • 2⇒3 car si M est somme directe d'une famille (Mi)i∊I de modules simples et si P est un sous-module non nul alors, en choisissant pour J une partie maximale de I telle que la somme de P et des Mi pour i∊J soit directe et en raisonnant comme ci-dessus, on montre que cette somme directe est égale à M.
  • 3⇒1 car si M est semi-simple alors, en notant N la somme de tous ses sous-modules simples et S un supplémentaire de N, d'après les deux lemmes S est nul.

On peut remarquer que d'après ce théorème,

  • tout module possède un sous-module semi-simple maximum : la somme de tous ses sous-modules simples ;
  • toute somme directe de modules semi-simples est semi-simple.

Lemme de Schur

Article détaillé : Lemme de Schur pour les modules.

Le lemme de Schur pour les groupes est un lemme technique explicitant la nature des morphismes entre représentations d'un groupe dont l'algèbre est semi-simple, mais se généralise en termes de modules :

Tout morphisme non nul entre modules simples est un isomorphisme.

Plus précisément, un morphisme non nul de M dans N (deux modules quelconques) est injectif dès que M est simple, et surjectif dès que N est simple[3].

La structure d'un morphisme de modules semi-simples s'en déduit : c'est une somme directe d'isomorphismes de sous-modules simples et de morphismes nuls.

Décomposition canonique

La décomposition d'un module semi-simple M en sous-modules simples n'est pas unique : par exemple le groupe de Klein, qui possède trois sous-groupes d'ordre deux, est somme directe de deux quelconques de ces trois sous-groupes.

Mais en choisissant l'une des décompositions de M et en regroupant, parmi les facteurs simples de cette somme directe, tous ceux qui sont isomorphes entre eux, on obtient une décomposition de M en somme directe de facteurs semi-simples NS (S désignant une classe d'isomorphisme de modules simples) dont on va montrer qu'ils sont, eux, canoniques.

Pour cela, on définit la notion d'isotypie : nous dirons qu'un module semi-simple N est S-isotypique s'il vérifie l'une des trois propriétés équivalentes suivantes :

  1. N est somme de sous-modules de classe S ;
  2. N est somme directe de modules de classe S ;
  3. tout sous-module simple de N est de classe S.
Preuve de l'équivalence

3⇒1 et 1⇒2 se déduisent du théorème de caractérisation ci-dessus et de sa preuve. 2⇒1 se déduit du lemme de Schur, en remarquant que si un module simple P est sous-module d'une somme directe de modules simples, alors l'image de P dans au moins l'un des facteurs de cette somme est non nulle, donc P est isomorphe à ce facteur.

Cette définition permet de donner des sous-modules NS deux caractérisations qui dépendent uniquement de M et justifient leur nom de composantes isotypiques de M : pour toute classe d'isomorphisme T d'un sous-module simple P de M,

  • NT est la somme de tous les sous-modules de M isomorphes à P ;
  • NT est le sous-module T-isotypique maximum de M.
Démonstration

Il s'agit de prouver que la classe T de P fait partie des indices S de la famille (NS) – qui pour l'instant dépend, en apparence, de la décomposition de M dont on est partis – et que P est inclus dans NT. Ceci résulte du fait que M est la somme directe des NS et que d'après le lemme de Schur, pour tout S différent de T, l'image de P dans le facteur NS est nulle.

Notes et références

  1. En revanche, pour qu'un module M soit semi-simple, il ne suffit pas qu'il possède un sous-module semi-simple N tel que M/N soit semi-simple : par exemple, le ℤ-module ℤ/4ℤ n'est pas semi-simple (2ℤ/4ℤ n'a pas de supplémentaire), bien qu'il soit extension du groupe abélien ℤ/2ℤ par lui-même et que ce dernier soit simple.
  2. Serge Lang, Algèbre [détail des éditions]
  3. C'est une conséquence directe de la définition des modules simples et c'est le seul « énoncé du lemme de Schur » utilisé ici, mais les deux articles « Lemme de Schur pour les modules » et « Lemme de Schur pour les groupes » présentent des énoncés plus sophistiqués.

N. Bourbaki, Éléments de mathématique, Algèbre, chap. VIII

Article connexe

Module sériel (en)

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